Me Ndom Batat : « C’est un peuple mis en réserve hors de ses sites ancestraux »

Me Ndom Batat : « C’est un peuple mis en réserve hors de ses sites ancestraux »

Le projet d’expropriation des terres des Banen est une affaire scabreuse qui défraie la chronique depuis un certain temps, notamment depuis que les ressortissants des villages Yingui, Ngambé dans le Nkam (région du littoral) et Ndikiminiji dans le Mbam et Inoubou (région du Centre) se sont organisés en collectif puis en association pour faire entendre leur voix. C’est une affaire qui nous fait remonter dans l’histoire du Cameroun, notamment aux temps de la guerre pour l’indépendance (1955-1960) et même après ; période au cours de laquelle les Banen comme bien d’autres peuples du Cameroun affectés par cette guerre étaient bien obligés de quitter leurs villages pour se réfugier dans d’autres contrés du pays. Me Prosper Ndom Batat, avocat au barreau du Cameroun et élite du coin, revient sur les ressorts historiques de cette affaire, les tenants et les aboutissants de ce projet gouvernemental, les vraies raisons pour lesquelles les forets EBO sont convoitées, les démarches administratives et les actions judiciaires entreprises jusqu’ici en vue d’empêcher cette expropriation :

Me Prosper Ndom Batat, en quoi consiste le projet de « classement » des forets EBO dans le domaine privé de l’Etat ? Et qu’est-ce que cela signifie en réalité ?
Le classement consiste, en droit, en l’incorporation juridique d’un bien dans le domaine public ou privé de l’Etat ou d’une Collectivité pour un but précis. C’est un changement de la nature juridique d’une terre en matière foncière. Et la législation régissant le régime foncier distingue la catégorie des terres du domaine national, celle du domaine public de l’Etat ou Collectivité celle du domaine privé. Chaque catégorie obéit à un régime juridique précis. Dans le cadre de la forêt EBO, cela signifie simplement que les terres, qui sont du domaine national en ce moment, seront incorporées dans le patrimoine privé de l’Etat par voie de classement projeté, selon l’Avis Public du 04 Février 2020 du Ministère des Forêts et de la Faune. L’Etat y établira en son nom propre un titre foncier qui exclura de ce fait les communautés villageoises et leurs habitants. C’est donc l’expropriation de ce peuple de ses terres ancestrales où sont plongées toutes les racines de son histoire millénaire.

Quel est le ressort historique de cette affaire ?
Par exemple l’on apprend que le peuple Banen a connu la déportation durant les années de lutte pour l’indépendance du Cameroun. Effectivement la proclamation et la célébration de l’indépendance du Cameroun Oriental le 1er Janvier 1960, a favorisé l’intensification de la guerre opposant déjà l’Armée étatique à celle des insurgés de l’Union des Populations du Cameroun (UPC). Et cette forêt EBO, où étaient paisiblement installées ces populations Banen depuis des siècles, fut l’un des théâtres de cette guerre d’indépendance. Comme toute crise armée, les cobelligérants ont procédé aux exactions telles les tueries, viols, destructions, pillages, enlèvements de jeunes et femmes, amputations d’organes. Au motif pris de ce que l’Etat tenait à la sécurité des biens et des personnes, il est intervenu entre 1961-1963 dans le Département du Mbam pour l’Arrondissement de Ndikinimeki et dans le Nkam pour l’Arrondissement de Yingui, deux Arrêtés préfectoraux ordonnant fermement à ces populations Banen de quitter leurs villages respectifs au risque d’être assimilés à des combattants de l’Upc. Vers le Nord, elles ont été déportées et mises en réserve dans un groupement à Ndokobassaben (Ndikinimeki) et vers le Sud à Iboti et Mosse (Yingui), avec promesse ferme de cette Administration de les ramener dans leurs sites respectifs.

Quelles sont les raisons inavouées qui selon vous emmènent le gouvernement à se saisir des forêts d’Ebo ?
Des raisons inavouées, je ne saurais les deviner en toute sincérité. Je pense objectivement qu’en plus de l’exploitation du bois qui s’y trouve en quantité, qualité et diversité, il y a le sous-sol qui est très riche en métaux précieux et rares. La convoitise des pays étrangers sur cette forêt n’est pas saine et altruiste aux yeux de l’Etat et des personnes éclairées. Derrière le rideau, se cachent aussi des intérêts égoïstes des personnes avides de gain et autres mêmes au préjudice des populations autochtones de ces sites ancestraux. Le temps de l’Histoire finit toujours par révéler la vérité des raisons avouées et inavouées.

Quelles sont les démarches administratives et les procédures judiciaires entreprises jusqu’à lors en vue de stopper le projet ?
En ce qui concerne les actions administratives, elles sont menées conformément aux lois de la République auprès de ces Hautes Autorités de l’Etat. Ce pourquoi il accorde les audiences aux Banens, toutes opinions confondues, pour davantage cerner les limites et la profondeur de leurs attentes en vue, certainement d’une solution définitive pour l’intérêt de l’Etat et de ses populations, notamment celle des Banens. En tout cas, sauf erreur, l’Etat est à l’écoute pour un dénouement interne et patriotique de cette affaire.

Que pensez-vous de l’avis de ce député du Nkam, l’honorable Samuel Moth pour ne pas le nommer, qui estime que ses frères Banen qui sont pourtant ceux dont il devrait défendre les intérêts à l’Assemblée nationale, ne devraient pas aller à l’encontre de la décision du gouvernement ?
Ce n’est pas une question de l’Honorable, respecté et respectable qui a un rôle important à jouer sans exclusivité. C’est une question d’un peuple déporté par la guerre, par les actes de l’Administration et « mis en réserve » hors de ses sites ancestraux. Il est rendu apatride et allogène partout il se trouve au Cameroun depuis soixante (60) ans. Il ne demande qu’à son Etat, par des voies républicaines, à y être reconduit dignement et restauré comme tous les peuples de cette République. Il a le droit de profiter des bienfaits de l’Etat, car il participe à la consolidation de ses structures jusqu’à ce jour.

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Coordonnateur général

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Mounouboune Marie-Odette

vice-présidente

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Jean Noel Bwesleba

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Paul Otam

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