Il faut prendre le bon côté de cette affaire et se dire que plus que jamais, le peule Banen est disposé à ne plus s’arrêter en si bon chemin et de traverser la passerelle de l’histoire pour se retrouver afin de retisser un siècle de séparation culturelle et sociologique.
L’affaire ?
Le projet gouvernemental du Ministre en charge des forêts et de la faune déclarant le foret d’Ebo en plein pays Banen, comme relevant du domaine privé de l’État. Cette initiative naît à la suite de l’avis au public du MINFOF du 04 février 2020 portant classement dans le domaine privé de l'État d'une zone de 64835 ha couvrant les départements du Nkam, Mbam et Inoubou et de la Sanaga Maritime avec l’intention de transformer cette zone en unité de production sous forme d'UFA. Elle priverait donc les autochtones du droit de regard que leur confère la loi d’autant plus que les consultations préalables n’ont pas été effectuées au sein des communautés, contrairement au Domaine national de l’Etat ou la gestion des terres incombent aux populations représentées par les Chefs traditionnels et le cas échéant à l’exécutif communal.
Signalons que ce n’est pas la première fois que la forêt d’Ebo est menacée de reclassement. Il y a bien eu un précédent en mai 2OO6, portant déclaration d’utilité publique d’une partie de la forêt d’Ebo comme parc national, sans succès. La Commission de suivi de l’affectation et de la valorisation des ressources naturelles des arrondissements de Yingui et de Ndikinimeki (COSAVRYN), coordonnée par Dr Zachée Boli Baboulé s’était opposée avec succès au bout du compte. La COSAVRYN a été aux premières loges des revendications autochtones. La situation qui en 2006 était dans le domaine de la protection de la biodiversité est aujourd’hui transformée en domaine de production, ce qui est perçu aujourd’hui comme un acharnement par les populations qui s’y étaient opposées.
« Il va falloir éviter le changement de régime du domaine national au domaine privé de l’État à tous les prix, car la conciliation des intérêts des populations et ceux qui tiennent à la préservation de la biodiversité dans une démarche de développement durable recommande une nouvelle répartition des terres en question en considérant toutes les options », soutient un ressortissant Banen. Car, ajoute-t-il, « au-delà de l’enjeu qui tient à l’expropriation des peuples y autochtones de leurs terres, cette action de recours a pour objectifs entre autres la réappropriation du patrimoine du peuple Banen et à sa réunification suite au traumatisme vécu au détour des années d’indépendance. Cette intention de l’État du Cameroun a suscité un tollé général au sein de la communauté Banen qui regroupe les populations autochtones touchées à 85% par cette décision de classer en UFA les terres d’Ebo.
Aujourd’hui, la communauté Banen redoute une expropriation de ses terres, toute chose qui les désavantagerait pour une période indéterminée. Il s’agit donc de refonder le socle de rassemblement et d’unité entre citoyens. Loin de la logique d’exclusion. Pour ce faire, la Coordination du Collectif « Missi Yi Benen » a été créée en mars 2020 avec :
- Yannick Patrice Bagnack, Président PBCD ;
- Dr Ghislain Mouil Sil, Coordinateur YININDI ;
- Cyrille Essomo, Président Nikoul USA ;
- Jean Claude Tomo, traditionnaliste ;
- Me Anne Micheline Koubiak, Présidente des Femmes dynamiques de Yingui.
Ce collectif à travers ces organisations œuvre avec pour objectif de faire valoir les intérêts de ces populations qui avaient déjà subi un déguerpissement comme indiqué plus haut. Notons à ce propos le dépôt d'un dossier assez bien fourni de près 30 pages auprès de 20 administrations :
- PRC,
- MINFOF avec copie à la primature,
- Au MINDCAF,
- MINTP,
- MINAT,
- MINEPDED,
- MINDDEVEL,
- SED,
- DGSN,
- Services des Gouverneurs du Centre eu du Littoral,
- Des préfets du Nkam, du Mbam et Inoubou,
- Des sous-préfets de Yingui, Ndikiniméki,
- Des Maires de Yingui, Ndikiniméki
- Des délégations départementales des forêts et de la faune de Yabassi et de Bafia,
- Aux députés du Nkam et du Mbam et Inoubou IV-A.
Cette dynamique a davantage été observée lors de la rencontre du 13 Juin 2020 à convoquée par le député Samuel Dieudonné Moth, et qui a été perçue comme gage de l’intention du collectif de mutualiser nos efforts et taire toutes les querelles. Cette rencontre a permis d’élaborer et d’implémenter une stratégie qui soutient la vision lointaine tenant, au-delà de la préservation du patrimoine disputé, à la réunification culturelle, géographique et administrative du peuple Banen, à sa réconciliation avec son glorieux passé et au développement holistique de ses ressortissants au travers entre autres de la mise en valeur de son patrimoine immatériel et foncier.
L’argumentation du collectif « Missi yi Benen » tient à la conciliation des objectifs de préservation de la biodiversité, du développement durable et du souci des populations autochtones de réintégrer leur territoire et réhabiliter leurs valeurs socioculturelles, spirituelles et économiques au sein de l’espace forestier. Les Banen formulent des propositions, qui pour eux, ferraient que l’État et eux-mêmes soient gagnants dans cette affaire qui touche 20 mille âmes. Ainsi, le classement dans le domaine privé de l’État de cette zone de forêt constituerait pour les populations Banen une spoliation définitive difficilement acceptable.