C’est dans la joie et l’allégresse que les populations de cette contrée célébraient vendredi 13 mai dernier, le retour de la communauté Indikbiakat dans le département du Nkam, région du Littoral Cameroun, après 60 années d’exil.
L’arrondissement de Yingui dans département le Nkam connait désormais l’ouverture d’une nouvelle route qui va permettre aux populations d’opérer le processus de retour au bercail et retrouver ainsi la terre de leurs ancêtres. Cela faisait 60 ans qu’elles ont été victimes de la déportation suite à la guerre d’indépendance. Le massif forestier d’Ebo dans le département du Nkam comme dans bien d’autres départements du Cameroun, avait été la cachette des maquisards indépendantistes en 1957 et l’administration coloniale avait jugé bon de faire déplacer les populations victimes des affres de la guerre d’indépendance vers les zones sécurisées et notamment dans les grandes agglomérations du pays.
Ce vendredi 13 mai 2022, les Banen ont assisté à la cérémonie de lancement des travaux d’aménagement des routes dans la forêt d’Ebo. C’est l’oeuvre des élites du coin, qui ont pensé et mis sur pieds ce projet de désenclavement. Le Comité de développement de la forêt d’Ebo en abrégé « CDFE » que préside depuis deux ans l’honorable Samuel Moth est un vaste projet qui va permettre justement l’ouverture et le développement de ces villages Nkam qui il faut le préciser compte une cinquantaine de villages. Le premier pan de ce chantier est cette route qui va ouvrir les villages et permettre leur désenclavement, avec en prime le projet de développement du massif forestier d’Ebo. Cette oeuvre a été réalisée avec le concours de la Société camerounaise d’industrie et d’exploitation forestière, partenaire technique du projet.
Santé et agriculture en priorité
Les populations de ces villages, venues des grandes villes du Cameroun et de diaspora, ont accouru massivement pour assister à l’inauguration de la dite route. La cérémonie était présidée par le préfet du Nkam, Che Patrick Ngwasse, qu’accompagnait son collègue de la Sanaga maritime Cyrille Yvan Abondo. Une cérémonie riche en sons couleurs car effet les populations ne pouvaient retenir leur joie de célébrer cette oeuvre de développement. D’entrée de jeu les patriarches et chefs traditionnels du coin ont procédé à un rite traditionnel de purification et de bénédiction, question de placer le projet sous la protection des ancêtres et du Très Haut. Pour Sa Majesté Dipita Gaston, chef supérieur du canton Ndogbiakat, c’est une fierté d’autant plus que le retour aux sources est d’une importance capitale pour les sujets. Gérard Benda quant à lui est digne fils ressortissant Ndockbiakat vivant en Allemagne depuis 26 ans ; lui et ses deux soeurs ont fait le déplacement de Yingui pour gouter et participer aux délices de ce vaste projet. La communauté Banen de la diaspora, déclare Gérard Benda, qui oeuvre au développement dans le cadre d’une plateforme, a déjà apporté sa pierre à l’édifice à travers une banque de sang à l’hôpital de Ndikiminiki, un appareil échographique offert à l’hôpital de Yingui, de même que cette diaspora travaille aujourd’hui sur un projet agricole ayant plusieurs volets. Selon les déclarations de l’homme politique et grand Conseiller Serge Espoir Matomba, « mon premier rôle est d’oeuvrer pour que les populations retournent sur leurs terres et mon deuxième rôle en tant que président du Conseil permanent de surveillance, c’est de veiller à ce que les actions menées par le Comité exécutif du projet, soient en droite ligne avec ce que l’on s’est fixé ». A en croire Jules Minamo, représentant la Société industrielle et d’exploitation forestière qui a viabilisé la route, « ce projet entre en droite ligne dans le cadre de la participation de la Société industrielle et d’exploitation forestière, à la réalisation d’oeuvre sociale, conformément aux clauses des cahiers des charges entre notre Société et l’Etat du Cameroun ».
Pour ainsi dire, le rôle de cette Société suivant les déclarations de Jules Minamo, est un rôle d’accompagnement dans le cadre du désenclavement de ladite localité afin de faciliter la relance des activités socio-économiques et culturelles. Les termes de références comprennent en outre un tracé des routes à construire, l’érection de dix cases témoins dans les villages et la construction de deux chefferies supérieures.
Ressources fauniques
Il convient préciser que la zone d’Ebo pour faire simple c’est trois communautés : les Ndik Biakat, les Ndik Nanga et les Inoubou Sud dans le département du Mbam. Ce sont ces trois communautés qui ont vécu les affres de l’histoire, et dont l’honorable député indique, « nous nous battons aujourd’hui contre vents et marées afin que ces populations retournent sur la terre de leurs ancêtres ». Il faut dire qu’à ces trois communautés susévoquées, l’Etat leur avait permis une possibilité de retour et de mise en valeur de leurs terres depuis 1974, un processus qui avait été pourtant enclenché mais qui n’est pas arrivé à son terme. Grace à l’initiative de l’élite émergente et grandissante des trois communautés, c’est aujourd’hui chose possible avec l’appui de l’Etat. Pour le préfet du Nkam, Che Patrick Ngwasse, il a souhaité tout simplement que ce projet ne soit pas une occasion de braconnage des ressources fauniques et de ventes illicites des terres. En tout cas en ce qui le concerne, son rôle c’est de veiller à ce que de telles pratiques ne puissent se dérouler sur son territoire de commandement, a rassuré le préfet du Nkam.
Il faut préciser que cette zone, lieu de la manifestation du vendredi 13 mai 2022, se trouve 90 kilomètres de la ville de Douala, 25 kilomètres du carrefour Kopongo. En somme si prêt de Douala mais si loin des souvenirs des descendants de Biakat. Le mythe est en train d’être brisé.